« On espère que le nouveau gouvernement argentin laissera le marché fonctionner seul »
Juan Manuel Ordoñez est ingénieur agronome et agriculteur. Il cultive principalement du soja, du maïs et du tournesol sur les 400 hectares qu’il exploite avec ses associés dans les provinces de Córdoba et de San Luis, dans le centre de l’Argentine.
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Quel bilan tirez-vous de cette année 2023 ?
« Le bilan est très négatif, notamment à cause de la sécheresse historique qu’on a connue, d’autant que ça fait trois ans que ça dure. Ça a beaucoup retardé les semis, notamment pour le maïs. Alors que la date limite en temps normal est le 15 décembre, on a semé le 10 janvier. Dans les zones les plus touchées, certains n’ont même pas pu semer. De notre côté, on a pris beaucoup de retard et après il n’a presque pas plu. Le déficit hydrique a affecté le développement des plantes et beaucoup de cultures n’ont pas pu être récoltées. »
« Au-delà du manque de précipitations, on a également eu des températures historiquement élevées suivies d’épisodes de gels en février qu’on n’avait pas vu depuis 60 ans. Pendant plus de 10 jours, il a fait entre 38 et 40°C, puis les températures ont chuté d’un coup et tout a gelé. On n’avait jamais vu ça. Pour le soja, ça a été un véritable désastre : là on est normalement sur des rendements de 35 q/ha en moyenne, cette année on a fait 4 quintaux, une catastrophe. »
« On a perdu beaucoup d’argent et de capital, entre 30 et 40 % de ce qu’on avait investi. Et comme en Argentine il n’y a pas d’accès au crédit, c’est très difficile de se remettre en selle pour continuer. L’autre élément qui fait que le bilan de l’année est très négatif est que nos coûts ont été très élevés, à cause d’une question politique. Le taux de change auquel nous importons nos fertilisants est deux fois plus élevé que celui auquel nous vendons nos céréales. Cela affecte énormément nos marges et notre rentabilité. »
Quelles sont les perspectives pour l’année à venir ?
« Pour l’année qui vient, la fin du phénomène de la Niña et l’arrivée d’El Niño devraient améliorer les conditions climatiques. Les perspectives sont bonnes, mais jusqu’à présent il n’a pas plu autant qu’on l’espérait. On a encore besoin de beaucoup de précipitations pour recharger les nappes phréatiques. Mais on reste optimiste, on espère avoir une bonne année, avec des rendements de 40 q/ha pour le soja et jusqu’à 90 quintaux ou 100 q/ha pour le maïs. »
« On a surtout bon espoir que le nouveau président et son gouvernement apportent des changements sur le plan politique. On espère qu’il va unifier les taux de change pour qu’on paye celui des intrants au même prix que celui auquel on vend nos céréales. Que les prix relatifs se normalisent avec les mêmes valeurs pour les importations et les exportations. »
« On voudrait aussi que les taxes soient revues à la baisse, mais vu la situation économique du pays, je ne pense pas que cela arrivera tout de suite. Sur le soja, on paye 33 % de taxes, c’est de la folie, c’est confiscatoire ! En fait, on espère surtout que le prochain gouvernement arrêtera d’intervenir comme le précédent et laissera le marché fonctionner seul. »
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